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L’urbanisation de Nanterre : histoire récente

Jusqu’à la première moitié du XIX siècle Nanterre est encore une bourgade rurale où se pratique l’élevage et la céréaliculture. À partir de 1838 le bourg devient desserte ferroviaire, suite à l’ouverture de la ligne vers Saint-Germain-en-Laye. Commence ainsi le développement de la ville grâce à l’installation de nombreuses industries ( automobiles et cycles, Donnet, Simca, métallurgie, alimentation, papeterie) attirées par la disponibilité de terrains peu chers et bien desservis. Pendant la période 1900-1936 la ville de Nanterre triple sa population, en passant de 14.000 à 46.000 habitants, principalement des ouvriers. La reconstruction après la Seconde Guerre mondiale contribue à augmenter davantage la population. Depuis l’Italie, le Portugal, le Maroc et l’Algérie, des milliers de travailleurs immigrés s’installent dans des bidonvilles. En 1960, environ 14.000 personnes vivent dans des conditions de précarité à Nanterre.
Les problèmes d’ordre social et d’hygiène se multiplient, tant et si bien qu’au début des années 1960 il est proposé la construction des cités de transit, où loger les familles en attendant un relogement en HLM.
“Le dernier des grands bidonvilles de Nanterre, celui de la rue des Valenciennes, à proximité de l’unité pédagogique d’architecture, vient de disparaitre. L’ultime coup de pioche à été donné mercredi. En 1965 les bidonvilles occupaient à Nanterre une superficie de 18 hectares où vivaient 16.500 personnes. Pour reloger les isolés, des foyers d’hôtels ont été construits, tandis que les familles étaient installées dans les HLM des PSR ( Programmes Sociaux de Relogement) et des cités de transit comportant 340 logements de norme HLM réalisés en six mois. Dans les mois qui viennent, les dernières baraques isolées seront détruites.”  Dépêche AFP (Agence France Presse) à propos de la résorption des bidonvilles à Nanterre, 23 décembre 1970.

C’est seulement après le vote de la loi Vivien, en 1970 que les derniers bidonvilles sont détruits, pour faire place aux logements provisoires (cités de transit), dont une partie disparaîtra en 1985.

“Sous l’égide du ministère de la Reconstruction, l’État lance dès le début des années 1950 des opérations de construction de logements, dont le programme des 4 000 logements en région parisienne. À Nanterre, les architectes Camelot, Zehrfuss et de Mailly, déjà en charge de la conception du quartier d’affaires de La Défense et du CNIT, sont désignés pour mener ce projet. Entre 1956 et 1958, sortent ainsi de terre les cités Provinces-Françaises et Marcelin-Berthelot. Ces cités bénéficient d’un système novateur de préfabrication et proposent le confort moderne : eau courante, électricité, WC intérieur, salle de bain. Néanmoins, elles sont à l’origine très isolées et ne bénéficient pas de services de proximité.” citation contenue dans le livret de visite de l’exposition “Zone B : Nanterre et La Défense (1950-1980)” organisée en 2018 par les Archives départementales des Hauts-de-Seine.

Un premier projet d’aménagement de la région parisienne et notamment de la Défense, est déjà mis en place en 1956. Le projet définit un quartier d’affaires, la zone A, sur les territoires de Puteaux et Courbevoie, et une zone B concernant Nanterre.
La zone B est différenciée en trois secteurs par le plan Remondet de 1967. Les zones B2 et B3 sont déjà partiellement occupées par des grands ensembles. Le projet pour la zone B1 est plus articulé : un parc, un musée, une tour, des logements sont répartis dans une cinquantaine de tours. Cela sera partiellement réalisé.
Parmi les projets de développement urbain de Nanterre figure l’université et son campus, ouvert en 1964, qui devient en 1970 Paris X-Nanterre.
“L’urbanisation de la zone B3, à proximité du port, suit assez fidèlement le plan Remondet, avec des ensembles d’habitations et des équipements. Sont édifiés notamment une cité de transit, deux foyers Sonacotra, une résidence pour les personnes expropriées lors de la construction du quartier d’affaires,ainsi que deux ensembles de plus grandes ampleurs : six tours pour la cité Zilina (édifiées en 1970-1971) et huit tours pour la cité des Acacias (1971-1975).” citation du livret de visite de l’exposition.

Une forêt de tours dans la zone B

Au début des années 1960 Le Corbusier est investi par André Malraux, ministre des Affaires culturelles, pour concevoir un projet de musée d’art contemporain. À la mort de Le Corbusier en 1965, le projet passe a son collaborateur, André Wogenscky. Mais en 1967 d’autres priorités prennent place, notamment celle d’édifier la préfecture du nouveau département des Hauts-de-Seine, créé en 1964. On cite encore le livret de l’exposition: “La préfecture et le centre administratif départemental sont inaugurés le 31 janvier 1973. En 1970, le projet de musée du XXe siècle est abandonné. De la vision initiale, ne subsiste que le parc André-Malraux, réalisé par Jacques Sgard.”

Parmi les projets abandonnés figure également la tour Schöffer conçue par l’artiste Nicolas Shöffer. Un vrai signal urbain de 350 m de hauteur, animé par des milliers de projecteurs polychromes. L’autre projet qui n’a pas été réalisé est le Ministère de l’éducation nationale.
À partir de 1970 l’attention se concentre sur l’aménagement d’un nœud central de l’urbanisation, dit point M, à côté de la préfecture, du musée et de la station RER. Le transfert du musée d’art contemporain sur Paris, et l’abandon du plan Remondet nécessite de revoir tout le projet. L’équipe engagée pour ce nouveau projet (l’atelier zone B) est formée par les architectes “…Jacques Kalisz, Adrien Fainsilber et Claude Schmidlin [qui] imaginent un « axe urbain » de 700 mètres de long, partant de la préfecture et passant par la station de RER du point M. Au nord de cet axe, et face à l’autoroute A14, sont installés des bureaux (dont le projet de ministère de l’Éducation nationale) tandis que sa partie sud comporte des immeubles d’habitation, conçus par Kalisz. Ce dernier imagine des immeubles en forme de croix, dont la branche la plus longue pénètre dans un vaste parc. Des équipements culturels ou éducatifs sont prévus : école d’architecture, écoles primaires et collèges. De l’autre côté du parc, dans le secteur B1 sud, Émile Aillaud propose une forêt de tours, aux façades ondulées et colorées par Fabio Rieti.” référence à l’exposition “Zone B : Nanterre et La Défense (1950-1980)”.
Cette urbanisation réalisé en ZAC (zone d’aménagement concerté) est entamée à partir de 1970.
Animés par le même esprit, créer des immeubles qui sortent des formes conventionnelles à grandes barres, normalement adaptés aux logements sociaux, les architectes Kalisz et Aillaud se lancent dans la conception des deux nouveaux quartiers résidentiels. Les immeubles MH de Jaques Kalisz sont des structures cruciformes, avec des surfaces coloriées, qui se fondent dans la nature du parc à proximité.
Émile Aillaud utilise également les surfaces coloriées par des milliers de tesselles en mosaïque pour intégrer ses tours dans le paysage. Un projet initial prévoit 24 tours de 100 mètres de hauteur dans l’idée de gagner le plus possible de sol libre de construction.

Les Tours Aillaud

En effet parmi les 18 tours réalisées seulement deux atteignent 100 mètres. L’ensemble est composé de tours de hauteurs différentes et le dessin décoratif change sur une gamme de couleurs naturelles, du vert au bleu.
Le projet de logement représente 18 tours dont 1607 appartements au total, construites entre 1973 et 1981. Les plus hautes sont les Tours 1 et 2 avec 39 étages et une hauteur de 105 mètres. Les Tours 3 à 10 ont 20 étages et les Tours 11 à 18 ont 13 étages.

Malgré les différences de hauteur, les tours partagent la même forme, consistant en la superposition de plusieurs cylindres. Leur habillage est constitué de mosaïques dessinées par l’architecte et par Fabio Rieti. Elles représentent des nuages dans le ciel et des arbres.
Le projet visionare d’Émile Aillaud peut être résumé avec cette citation de l’architecte : “les tours figureront un ciel avec des nuages, traversé de verdure. Elles sont traitées à la manière d’un paysage.”

Les tours, mais aussi les chemins et la dalle, sont conçus comme des éléments organiques, comme si le quartier avait tout simplement germé du terrain. L’idée de planter des arbres tout au tour des immeubles, autant d’arbres que de logements, donc 1607, correspond à cette vision innovante de l’urbanisme.

Des sculptures, (dessinées par Laurence Rieti, fille d’Émile Aillaud) notamment un grand serpent habillé par des tesselles rondes en pâte de verre, animent les espaces collectifs et les espaces de jeu.
Dans cette idée de concevoir une architecture à mesure d’homme, s’inscrit également le dessin des façades ; des fenêtres qui évoquent des « baies » ont été disposées de façon la plus libre possible, par rapport à l’exigence fonctionnelle, sur la façade. La technique du coffrage glissant permet d’incorporer voir de cacher la menuiserie dans le mur, ce qui permet aussi d’exploiter totalement la surface ouverte, et de lui donner une forme plus libre. Les fenêtres sont de trois types : gouttes d’eau, carré avec angles arrondis, hublot.

La dalle en pavé est constituées de bosses, pour animer les espaces communs et créer l’impression d’un paysage aussi naturel qu’imaginaire.

Pour autant la construction des tours n’a pas été épargné par des polémiques, entre pétitions de la partie des habitants déjà installés sur le site en face, jusqu’au Président Giscard d’Estaing quI souhaitait une réduction de leur hauteur. À partir du 16 décembre 2008 ce site est classé avec le label « Patrimoine du XXᵉ siècle ».

Les fenêtres : gouttes d’eau, carré avec angles arrondis, hublot

Les entrées des bâtiments

Sol, dalle, chemins

Ombres

Les arbres

Le serpent

Textures

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