Architecture des Grands Ensembles en Italie

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Dans le cadre de ma série “Reshape relationships” concernant les banlieues et les logements sociaux, je me suis consacré au quartier Rozzol Melara, ce complexe residentiel sur les collines de Trieste  en Italie. Dans un magnifique lieu, ce géant de béton est bien reconnaissable par sa géométrie monumentale.

Construit entre 1969 et 1982 par l’équipe d’achitectes de Carlo Celli, commandé par l’institut de logements sociaux IACP, ce bâtiment est une ville satellite de Trieste, composé par quatre grandes barres disposées autour d’une cour carrée. Dans la cour, il y a les services principaux de la communauté: la poste, les magasins, l’église.

Un couloir de distribution rythmé par de grands hublots, unit deux à deux les bâtiments entre eux.

Pour dépasser et rectifier la dénivellation de la colline, le bâtiment s’appuie sur de grands piliers et est divisé en volumes différents.

Les références architecturales sont l’Unité d’Habitation et le monastère de La Tourette de Le Corbusier. Il y a également un lien avec les villes fondées par les romains, notamment la structure ortogonale de l’ensemble. Cette organisation, basée sur cardo et decumanus, n’est pas celle d’un quartier mais d’ une ville nouvelle.

En me promenant lors d’ une journée d’hiver, dans les vastes couloirs gelés par le vent, en piétinant le tapis à pastilles noires qui rappelle la géométrie des hublots, je sens que le gigantisme de la structure empêche l’individu de percevoir ce lieu comme une “maison”. L’espace vide, dilaté des couloirs est chargé d’une force centripète, qui divise plutôt qu’elle attire.

En même temps, je perçois tout l’enthousiasme et l’énergie de ces jeunes architectes, qui venaient d’être diplômés en 1964. Après avoir fondé leur propre cabinet d’architecture, ils furent conjointement chargés d’élaborer les plans de ce quartier. J’imagine leur ambition et leur conviction de créer un Grand Ensemble qui reprenne toutes les notions acquises durant leurs études en faisant référence aux maîtres.

J’imagine dessins, tables, esquisses à la main, coupures et révisions, pour enfin trouver une solution, une idée fixée, avec en tête l’objectif principal: modeler une ville idéale, modeler les habitudes quotidiennes des habitants pour améliorer leur propre vie et leurs relations sociales. Un bâtiment-réseau, réseau social.

Tout ceci à l’époque des Trente Glorieuses, de boom démographique, où un monde fait de plastique et de ciment grandissait et prenait la place de ce qu’il y avait avant, pour simplifier, embellir, enrichir la vie des gens. L’explosion urbaine de ces années conferait aux architectes un rôle crucial: dessiner les villes de l’avenir. En effet pour un architecte, matérialiser une idée, un projet, une intention, est incroyablement exaltant. Plongée dans ces pensées, je sors à l’air libre, avec un sourire et en même temps le regret d’avoir manqué une époque dont Rozzol Melara compte parmi les monuments les plus significatifs. Dans cet état d’ esprit, je regarde le ciel sectionné par le ciment et je prends la dernière photo.

photo ©Laura Hirennau

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